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Eloge de la crèche de Noël. Par Robert Redeker. Le Journal Toulousain, 24 décembre 2015. 

La crèche est contestée par une laïcité mal comprise, qui n’est pas de tolérance mais de guerre, une laïcité éradicatrice. Pourquoi mérite-t-elle d’être défendue ? 

La Noël venue, la crèche rappelle ce qu’est le foyer, symbolisé par une modeste étable, l’intimité de quelques personnes, la chaleur du bœuf et de l’âne. Ce foyer reçoit une double signification : la famille et l’humanité. La présence de la crèche engage à élargir le foyer : à tenir toute l’humanité comme le foyer de chacun d’entre nous, à reconnaître dans l’humanité entière sa famille. La crèche réunit le simple (trois personnes, quelques animaux, une étable), image de la famille, et le vaste monde, tous les hommes, l’univers. Un message en jaillit : nous sommes des milliards, le monde est vaste et varié, peut-être infini, certainement en expansion, pourtant cette totalité est aussi simple que la crèche au pied du sapin. Soit :  la simplicité de la crèche est la vérité profonde de ce vaste monde. Ainsi la crèche met-elle modestement en scène l’utopie d’une humanité réconciliée avec elle-même. Elle dément la cruelle réalité de la vie quotidienne, tissée de violence, de haine, de guerre de chacun contre chacun et de tous contre tous, de concurrence sans frein, suggérant que la réalité humaine est l’appartenance à une même famille. Elle bat le rappel de ce que nous ne cessons d’oublier, la fraternité universelle. 

Les éléments cosmiques – ciel, étoile, hiver, gel et givre, nuit – et – les animaux, les plantes, l’air que l’on respire, l’enfantement, le bébé dans ses langes – sont présents pour nous rappeler que les hommes ne composent pas seulement une seule et même famille, mais qu’ils appartiennent au même monde physique, agglomérant la terre et le cosmos. La crèche nous le dit: l’homme est chez lui dans le cosmos. Cette vérité s’est peu à peu effacée de nos consciences à partir du XVIIème siècle. Selon la pensée moderne nous vivons, du fait des sciences et des techniques, dans un monde désenchanté, ayant dissocié l’homme du reste de l’univers, ayant brisé ses attaches au cosmos et à la nature, le projetant dans le désarroi et la solitude. Le cosmos lui est devenu une chose étrangère, extérieure, à exploiter, voire à conquérir. La symbolique de la crèche lui signale que sa solitude cosmique est récente, quand d’autre part elle apaise, chez cet homme moderne, la douleur de se sentir si seul dans l’univers. En arrêt devant la crèche, l’être humain, athée ou croyant, guérit un instant de son acosmie. La civilisation moderne – dans la lignée des “ animaux machines ” de Descartes - réduit les bêtes à de la viande sur pieds, élevée dans des univers concentrationnaires, à du chiffre d’affaires hors sol. La fin des paysans, leur transformation en agriculteurs, en entrepreneurs, en industriels de l’alimentaire, accentue cette tendance, éloignant l’homme des autres vivants. Le symbolisme de la crèche rappelle que les animaux, loin d’être de simples choses, sont des partenaires de l’homme dans la vie. 

Elle est la modestie, l’infinie richesse du peu autant que le contrepoison au délire mercantile et consumériste qui dénature Noël, qui transforme le temps des fêtes en une insignifiante galerie marchande. Toujours présente comme un espoir qui ne s’éteint pas, la crèche dissuade de désespérer de l’humanité. Au cœur de la nuit, elle maintient vivant l’espoir d’en sortir, de ré-humaniser le monde. Rien n’est moins pertinent que ces attaques contre la crèche.