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Olivier Giroud, le stakhanoviste de la résurrection, proie des kleptocrates du Bien. Par Robert Redeker. 

Olivier Giroud : le héros de la France ordinaire. 

 

 

 

Il est aimé par le public populaire et méprisé, si ce n’est haï, par le public branché, à la page, par l’establishment. Comme le Puy du Fou. Comme le fut, à sa sortie en salle, Le fabuleux destin d’Amélie Poulin. Comme Michel Sardou. Comme le Tour de France cycliste.  Comme les crèches de Noël dans l’espace public. Il est tantôt dévalorisé, tantôt boudé, par les fabricants d’opinion. Par ceux qui jugent avant le public pour le public. Par les kleptocrates du Bien. Qui ? Olivier Giroud. Pourquoi le haut du pavé le boude-t-il ? Pourquoi la France du quotidien l’aime-t-elle ? 

 

Giroud n’entre pas dans le cadre du wokisme. Pire : il demeure non wokisable. Il ne correspond en aucun point à ce que le système médiatique, intellectuel, et politique, attend d’une star. Le dispositif de l’idéologie dominante n’a cessé d’intriguer pour que Benzema lui prenne sa place. Il fait France de Georges Marchais, de Georges Pompidou, Giroud. Ou de Pierre Poujade. On ne sait trop. Mais il fait France moisie – et cela suffit pour chercher à le jeter aux oubliettes. Pour le gommer de la photo de groupe. Pour le rayer des radars. Pour s’opposer à sa starification. Il ne fait pas assez différent pour que les médias l’adulent. Pas suffisamment « autre ». Il ne fait pas nouveau monde, Olivier ; il ne fait pas France créolisée, Olivier. On le verrait bien dans la France des années 70, celle des films avec Louis de Funès, ou dans la France des années 50, celle des pellicules avec Jean Gabin. Mépris suprême : armé de tant de ringardise, il mériterait d’être coureur cycliste, Olivier !  

Combien de fois l’a-t-on, avec soulagement, déclaré fini ? Combien de fois l’a-t-on proclamé inférieur aux autres prétendants à ce poste ? Combien de fois l’a-t-on réputé frustre, limité, inadapté au jeu ambitieux du football contemporain ? On ne les compte plus, ces fois ! C’est ainsi qu’on ne cesse de l’envoyer au cimetière des joueurs qui n’auraient jamais dû se hisser à pareil niveau. Que l’on se presse pour le pousser dans la fosse commune des usurpateurs. Les commentaires de la France d’en haut sur Giroud forment un vrai convoi funéraire. C’est ainsi que l’on n’arrête jamais de sous-estimer le meilleur avant-centre de toute l’histoire du football français, non par une évaluation sportive, qui lui serait favorable, mais par un réflexe idéologique, qui lui est mortel. Et pourtant : Giroud ne cesse de renaître de ses enterrements. Il revient toujours dans le monde des champions, au nez et à la barbe des teneurs de micro et des folliculaires stylés en employés des pompes funèbres. Olivier Giroud est un stakhanoviste de la résurrection.   

En aimant le voir jouer, le voir marquer des buts, le voir éclater de saine joie, le voir échouer, le voir réussir, la France regarde Olivier Giroud comme s’il était son miroir. Un miroir est une surface que l’on questionne, que l’on suppose à la fois un psychanalyste et une voyante. Il nous dira ce que nous sommes, il nous dira ce que nous allons devenir. Autrement dit : en regardant Giroud, la France se regarde. De cette réflexion, elle attend des réponses à ses inquiétudes plus ou moins identitaires. A ses doutes sur sa survie. Giroud est le miroir d’une France qui croit assister à sa lente disparition, semblable à un continent s’enfonçant dans les eaux.  Giroud s’appelle alors angoisse de l’avenir nostalgie fataliste – dans ce rôle, il est le dernier des Mohicans, ou, comme dans le film de Kurozawa, Les Sept samouraïs, le dernier des sept, celui qui a compris que le temps des samouraïs s’achève. De très nombreux Français sont tenaillés par ce sentiment d’être le dernier, le bout sans suite d’une chaîne. Mais là n’est pas la réponse que donne le miroir. 

 

Les passions tristes n’auront pas le dernier mot. Le miroir livre son verdict : à travers le Phénix Giroud la France supposée ringarde, désignée moisie, se voit survivre, se voit renaître, se voit revivre.  Quand aux yeux de l’élite, plus ou moins légitime, souvent autoproclamée, Giroud, qui aggrave définitivement son cas auprès de cette élite en révélant urbi et orbi l’ardeur de sa foi chrétienne, est la mauvaise herbe qui repousse toujours, malgré le round-up de l’idéologie dominante, aux yeux du public populaire, il est le Gaulois réfractaire qui rechigne à s’effacer. Il est celui qui s’obstine à revenir en restant lui-même, alors qu’on ne veut plus de lui, il est celui qui réussit (par exemple avec ses deux buts contre l’Australie) quand on lui assure que son heure est passé. Alors, ce miroir s’appelle espérance, alors, Olivier Giroud incarne vraiment, pour la France d’en-bas, la France ordinaire et de tous les jours, la joie du présent et la promesse de la survie.  

 

Robert Redeker