* Christian Thorel, Dans les ombres blanches, Seuil, 83 p., 9,50€.
Cet article est paru dans Marianne du 12 au 19 juin 2015.
Christian Thorel et la cause des livres.*
Par Robert Redeker
Tous les amoureux des livres connaissent l’une des plus belles libraires de France, Ombres Blanches, installée au cœur de Toulouse. Mais ils n’en connaissent pas forcément l’histoire, qui est tout un roman. Le maître des lieux, Christian Thorel, comble cette lacune par un livre qui, autant qu’un livre de libraire et de lecteur, est un livre d’écrivain : Dans les ombres blanches, aux éditions du Seuil. 
Comment la petite librairie de 90m2 née dans les années 70 est-elle devenue  une référence absolue, un royaume des livres, un vaste navire de 1600m2 ? Tout est à la fois nécessaire (au sens fort du mot) et miraculeux dans cette évolution : tout aurait pu s’effondrer dix fois, et tout a survécu en grandissant, en se renforçant. Cette histoire est celle d’une passion, inextinguible et exigeante : celle des textes, celle des livres, et celle, politique, de la place du livre dans la cité. C’est aussi l’histoire d’alliances fécondes, de synergies créatrices, d’accompagnements, comme avec Gérard Bobilier et sa petite équipe des éditions Verdier, étroitement associée à Ombres Blanches depuis leur naissance.  Ce compagnonnage, tous les étés, anime, à Lagrasse, dans le berceau des éditions Verdier, le Banquet du Livre.
Il existe une histoire de la librairie avant Ombres Blanches. Thorel rallume en passant le souvenir de Georges Ousset, l’un des libraires les plus étonnants et les plus attachants que l’on ait pu connaître, l’idéal-type du libraire à l’ancienne. Mais, nonobstant les différences idéologiques éparant Ousset de Thorel, évoluant avec l’époque, Ombres Blanches a inventé la librairie de XXIème siècle. La vraie librairie, la librairie fidèle aux racines de ce métier, à son combat, tout en s’inscrivant dans le cœur de la contemporanéité. Cette vérité et cette fidélité sont trahies chaque jour par les adversaires de Thorel : Amazon et la FNAC. 
S’il dit « je », l’auteur aurait pu dire « nous », il le reconnaît. L’histoire d’Ombres Blanches et une aventure collective. Celle de ceux qui, autour de Thorel, défendent une cause : la cause des livres.